39-Premiers pas au Maroc

L'histoire d'une folle aventure.

Prélude :

Pour les personnes qui découvrent astrAtlas, voici en survol ce qui c'est passé durant les quelques mois précédents ce récit :
Une rencontre fortuite, une découverte balayant des préjugés, une idée, un concept, une décision, des démarches, une belle entraide et le devoir d'y aller, de se lancer: on ne fait pas machine arrière quand un rêve pourrait devenir réalité !
(tout cela est éparpillé sur le forum et l'essenCiel se trouve dans l'article « historique » du blog)

Le voyage aller :

C'est bien beau de vouloir créer un centre d'astronomie dans le Haut Atlas, encore faut-il transporter le matériel d'observation dans une voiture déjà chargée de bagages et cadeaux pour la famille à Casablanca et Azilal.
Mohamed a trouvé une petite remorque d'occasion qui devrait faire l'affaire…

Le photo-reportage de Zaurel montre que ce n'est pas si évident, qu'on a beau tenter d'utiliser chaque mm cube : à ces instants, on commence sérieusement à remettre la théorie du big bang et des trous noirs en question.
Rien qu'à imaginer que ce qui est rassemblé dans le couloir chez Aurélie (encore merci pour votre confiance et générosité !) devrait tenir dans moins qu'une tête d'épingle ? Avec de surcroît la voiture, Vollore-Ville, la Terre, la Voie lactée, l'Univers entier ?
Ils n'ont pas légèrement exagéré là les astrophysiciens ?
Ou une épingle à tricoter un épais chandail alors, ça je pourrais encore à la limite imaginer.
Toujours est-il qu'avec un peu de logique (mettre ceci là et comme ça fait gagner…attendez que je prenne mon vernier…voilàààààààà : au moins 0,75mm, bien, fort bien) et de volonté (de pousser sur le couvercle) c'était chose faite.

Bises bises et on continue la route. Pas sans difficultés :
- ce n'est pas évident de manœuvrer une remorque en marche arrière.
- quand les zèbres éclairent le ciel de Clermont-Ferrand, vaut mieux attendre que ça passe.
- si, au milieu de la nuit, on se trouve devant une route barrée, il est sage de dormir sur place et demander un itinéraire bis aux villageois le lendemain matin.
- Mohamed a trouvé d'où provenaient les intenses vibrations ressenties près de Perpignan dès qu'on dépassait les 80 à l'heure : un pneu de la remorque était par endroits usé jusqu'à la trame. Une carte d'assistance peut s'avérer utile.
- quand on ne sait pas lire une carte routière, ce n'est pas avec le Pocket Sky Atlas qu'on s'en sort pour rendre le raccourci beaucoup moins long que l'itinéraire prévu initialement.
- on aurait vraiment du s'exercer à faire des marches arrières sur la place de l'église près de la route barrée : là au moins il y avait de la place. Pas comme entre les barrières du péage autoroutier (Mohamed aurait-il évité « Manuelo » en pensant qu'il aurait affaire à une grosse brute moustachue ne parlant pas la langue de Molière ?)
- il arrive qu'en cours de route (surtout quand ça vibre très fort au-delà des 80 à l'heure), vous perdez une plaque minéralogique. Dans ce cas, pas de panique, il y a une solution : du vernis à ongles.
Osez en demander à une jeune femme ! En prenant un air viril, je pense (enfin, j'espère) qu'elle vous croira. Il est cependant déconseillé de parler des vibrations en utilisant ses notions d'italien au lieu de parler couramment l'espagnol.
- ne dormez pas sous une remorque sans prévenir le conducteur, cela pourrait être dangereux.
Si ce dernier est un peu dur d'oreille et dort déjà installé derrière le volant, voiture fermée à clé, débrouillez-vous pour trouver de quoi écrire et coller un message sur le pare-brise.
Astuces : en espagnol, papier se dit papello, stylo se dit stylo et pour du papier collant je ne sais pas, « papello collanté » n'a pas marché. Essayez « adhésivo » ? (je m'en suis finalement sorti en montrant le papier collant de mon paquet de tabac)

Et j'en passe…voilà enfin Algeciras et la traversée vers Ceuta, vers le Maroc !





Je la trouvais émouvante cette traversée, ce fin détroit où se mélangent Atlantique et Méditerranée mais qui sépare tellement de choses !
« le monde est un livre, celui qui ne voyage pas n'en lit qu'une page » écrivait je ne sais plus quel poète.
(aujourd'hui c'est pire : on ne lit plus, on regarde la télé)





Débarquement après cette brève prise d'air marin, ensuite il suffisait de suivre le flot de voitures pour se trouver aux portes du Royaume du Maroc.
Qu'aurais-je fais à la douane sans l'aide de Mohamed, moi qui ne sait même pas prononcer correctement « salâm-aleïkoum » ?
Un poste frontière où les files d'attente s'allongeaient.
Pour cause la grippe aviaire. C'est malheureux à dire (il y a eu des victimes) mais le tumulte à la douane pour contrôle médical (provenance) nous a épargné du déballage de voiture et remorque si difficilement remplis, ceci aussi grâce à Mohamed qui maîtrise parfaitement l'arabe et a l'habitude des traversées.

C'est donc avec un grand soulagement que je salue le drapeau Marocain et à peine en route vers Casa, je remarque les contrastes du paysage (qui a encore dit que c'est aride par là ? Personne ? Ah, c'était ce que je pensais naguère ?).
On se repose en cours de route à l'ombre d'un chêne vert, près d'une source joliment décorée de mosaïques et mise à disposition des voyageurs.
Que ça fait du bien de s'y rafraîchir ! Cela change des aires de stationnement autoroutières ! Un brin de causette (Mohamed, moi je ne pigeais rien) avec l'agriculteur propriétaire des lieux qui vient apporter des figues qu'il venait de récolter.
Bizarre d'aspect ce fruit en version originale, mais comme c'est juteux et bon !

Ce qui m'a frappé aussi, dès le début, c'est la façon de vivre des gens.
Un autre monde où je vais de surprises en surprises : il serait étonnant de ne pas s'étonner!
Lors du court séjour à Casa, j'ai vu un échantillon de ce que j'allais vivre intensément pendant un bon bout de temps à Azilal, et déjà, je savais que j'allais m'y plaire !




Puis le ciel…d'accord, l'astronomie à Casablanca…autant rester à Bruxelles, mais un coucher de soleil sur ses rivages, c'est incontournable.




Entre parenthèses, j'y songe en parlant de Bruxelles, capitale du pays de la bière : j'ai goûté la « Flag Spéciale », une bonne petite pils bien houblonnée dois-je avouer.

Mais loin de là le but du voyage. C'est l'endroit avec un ciel pur et sans trop sacrifier aux habitudes urbaines (eau, électricité, accessibilité…) que je cherche.
Un endroit où il fait bon vivre et où l'astronome amateur est particulièrement comblé.

Après trois jours à Casa, départ vers Azilal.
Abdellatif est venu « en renfort » pour transporter Rachida et les enfants qui sont venus en avion.
C'était notre première rencontre en vrai après les communications par courriel ou skype.
Vous savez ce que ça donne n'est-ce pas ? Chaud au cœur !
Allez, dernière ligne droite : le trajet Casa > Azilal.
Ligne droite…façon de parler : au fur et à mesure de notre progression vers le Sud-Est, la chaîne du Moyen et Haut Atlas s'impose lentement, puis sûrement, parfois brutalement.
Paysage d'une beauté sauvage contrastant avec les zones cultivées (vous devriez goûter le melon, la pastèque, l'huile d'olive, les oranges…), Azilal a bel et bien les pieds dans les plaines fertiles de Beni-Mellal et la tête dans les sommets rocheux.
Un pays d'air, de terre, d'eau et de feu…



    

épisode 2: l'oiseau fait son nid


La belle-famille de Mohamed m'offre un accueil chaleureux et délicieux.
Les tajines sont à se lécher doigts et babines (j'avais déjà passé avec succès mon stage « comment déguster une tajine » à Casa).
Azilal est une petite ville, il y règne la bonne humeur, la décontraction. La plupart des résidents maîtrisent assez bien le français, pas trop de problèmes de communication donc.
Coupée en deux par un axe principal, où on trouve tout ce qu'il faut (commerce, banque, santé, communication etc…) la vieille ville est dominée au Sud par le minaret de la Mosquée.
De là on peut se perdre dans les ruelles, remplies de vie par les artisans et commerçants.

Et l'étonnement, toujours l'étonnement.
Que ce soit cette façon de traverser systématiquement quand arrive une voiture, les montagnes d'oignons bordeaux ou argentés qui scintillent dans le soleil au souk, que ce soit l'entraide, la solidarité, le contact humain…
Comment décrire cela ? Je n'ai pas le cœur à gâcher ses plaisirs en venant « touristiquement » me promener l'appareil photo en main.
Non, c'est dans le cœur et l'esprit que sont gravés ces images et émotions.
A ce qu'il paraît, mon visage en serait l'imprimante : « you look really delighted, it's amazing » me disait un randonneur de passage (il avait prévu une halte à Azilal pour un ou deux jours, finalement c'est une bonne semaine qu'il est resté).

Que du bonheur ?

Oui, à part la poussière, pas celle des étoiles, non, celle qui est sournoise et tente de s'installer où on préfère la propreté : les instruments d'astronomie par exemple.
Je suis logé dans la maison en construction d'Abdelkader, frère d'Abdellatif (de Saïd qui est gérant du café et de Rachida, l'épouse de Mohamed).
Et une maison en construction, ben, elle n'est pas finie par définition.
Faut donc faire preuve de souplesse quand on s'y installe, ne pas hésiter à changer de plan, surtout ne pas tenir compte de ses propres plans : il y a toujours des imprévus et des changements de programme dans la construction.
Alors on se débrouille comme ça vient : avec imagination, créativité et entraide.

Première chose, la plus importante, les instruments évidemment.
Il n'y a que mes dobs de voyage qui ont souffert durant le transport et c'est de ma faute : ayant oublié d'enlever les vis poussantes, j'ai du retravailler les barillets.
Les instruments confiés par la communauté WA ? Impec le 130/650 tout neuf (c'est lui qui a eu l'honneur des premières lumières dans l'Atlas), super le 150/750 Hilux avec sa monture bien robuste. J'ai testé tous les oculaires : allez, pour de « l'entrée de gamme » ? Que de bonnes surprises, puis les jumelles et ci et ça…
L'association astrAtlas dispose donc d'une belle panoplie d'instruments, d'une lulu 60 au dob 300, de quoi satisfaire l'astronome amateur débutant, jeune, vieux, chevronné, petit, grand, photographe, dobsonneux ou équatorialiste.
Le tout est systématiquement mis à l'abri dans une pièce soigneusement dépoussiérée.
Et le ciel ? Hein ? Il est comment le ciel là bas ?

Héhéhé…depuis le toit de la maison, c'est aussi bon qu'à Chapois.
Et en sortant de ville, vers le Sud, une fois passé Aït M'Hammed c'est somptueux : pas besoin d'attendre la fin du crépuscule pour que les gros Messiers sautent aux yeux à travers des 7x50.
Le soleil bien couché, la latitude et l'altitude du lieu, avec vue sur le Sud bien dégagée, offrent un spectacle « waooow 20 cieux kzéboooooooo » garanti inoubliable !
La Voie lactée non stop jusque dans des constellations qu'en tant qu'astronome amateur des pays du Nord je n'avais jamais vues : la Couronne Australe, Norma, Telescopium…
Autant dire que dans le Sagittaire et le Scorpion dont la queue « grimpe » à une quinzaine de degrés au dessus de l'horizon c'est Byzance !
Des détails d'ordre « astronomie dans le Haut Atlas » plus tard, dans un autre épisode, car pour le moment, nous en sommes encore au « petit à petit, l'oiseau fait son nid ».

Tiens oui, à propos d'oiseaux (il y a des photos dans le blog, si quelqu'un pourrait m'en spécifier l'espèce), même eux sont étonnants !
Il s'agit de petits passereaux, style moineaux, ce sont mes charmants compagnons de petit déj' sur le patio.
L'étonnant, c'est qu'ils sont capables de faire du sur-place, comme les colibris !
J'en ai vu un à l'aube, lors-ce que je tentais de photographier un dernier croissant avant la nouvelle lune, littéralement chasser un coléoptère, n'hésitant pas à le suivre en frôlant le télescope.
Au coucher du soleil, ils se rassemblent dans les platanes pour raconter leur journée (comme les étourneaux (ou nous au café d'Abdellatif)) et il leur arrive des fois d'encore mettre certaines choses au point vers les deux heures du mat.
Mais retournons « à la maison » avec quelques exemples.

Il me faut une table de travail moi, ou du moins une surface plane à hauteur de cuisse.
Abdellatif m'avait promis de trouver quelque chose, mais fallait patienter « un peu ».
Me doutant bien que cette locution est élastique, qu'avec la chaleur du Maroc, un élastique, ça se donne et étant de nature travailleur, fallait que j'y travaille tout-de-suite à ma table moi.
Mais que vois-je là ?
Des châssis et croisillons de fenêtre ?
Mais ça pourrait servir ça !
Et hop, avec quelques beaux carrelages, là voilà la toute belle table de travail et tant que j'y suis le présentoir pour les livres de référence.
Il n'en reste qu'une photo-souvenir : Abdelkader m'ayant expliqué que faute d'être entreposés à l'horizontale sous un poids, la chaleur et l'humidité font tordre le bois.
Bon, soit…

Le lendemain, en rentrant (à je ne sais plus quelle heure) d'une nuitée de prospection pour un très bon coin d'observation aux alentours, Abdellatif s'arrête où quelqu'un semblait l'attendre et revient avec un pan de tableau d'école : voilà le plan de travail !
Hop, les trucs de fenêtre qui sont à l'horizontale, du carrelage, du fil électrique et la version 2 est faite.
La « bibliothèque » est un assemblage avec du bois de construction (jamais vu un bois aussi dur, faut dire aussi qu'un contrepoids de seben comme marteau, ce n'est pas évident question ergonomie), des pièces alu d'un trépied de réserve, du fil de fer, des morceaux de parpaing et du gravier…

A peine installée, la table devait être démontée car les menuisiers étaient prêts pour la pose des fenêtres…la version 2 pixellisée, c'est au souk hebdomadaire que je trouve de quoi me faire la version 3.
Le panneau de tableau d'école retrouve sa fonction initiale accrochée sur un support fabriqué le jour même par les menuisiers.





Autre exemple, Abdelkader et les clés.
Il les oublie. Assez souvent faut dire.
Alors ça donne ceci :





Et pour clore cet épisode, quelques photos de l'habitation : le patio, lieu idéal pour prendre son thé avec les piafs. Le salon, fait avec des sacs de sciure de bois et pour terminer cette pièce austère qui ressemble à une cellule de prison : c'est ma chambre, à trois pas d'un ciel comme à Chapois.





Episode 3 : toi, toi mon toit.

Normalement, la narration d'un historique en épisodes devrait se faire chronologiquement.
Il me faut donc préciser qu'ici (à part le voyage aller évidemment), les différentes parties sont plutôt écrites suivant un thème et s'enchevêtrent donc pendant cette période de création d'un centre d'astronomie au cœur de l'Atlas.

Le matériel a donc été passé sous crible afin de disposer d'instruments parfaitement en ordre.
Les deux 114/900 par exemple ne font plus qu'un, ré-assemblé à partir des meilleurs éléments de chaque télescope.
Mon tout premier instrument, le seben big boss, servira pour les cours « d'anatomie du télescope » et sa monture a été transformée pour accueillir les jumelles 20x90.
En passant, chapeau bas à Hussein, forgeron, qui avec Said ne m'a pas fabriqué les pièces pour fixer les binos comme j'avais demandé, mais changé mes plans pour un résultat nettement plus efficace et pratique!

Le matériel étant en ordre, fallait encore s'affranchir des lumières parasites gênantes pour observer depuis le toit.
Chose faite avec des bâches en plastique noir et de la corde, il suffit de fermer les rideaux pour profiter du spectacle céleste.




Par temps clair, à l'œil nu les 7 étoiles du petit chariot sont évidentes, la Voie lactée s'estompe à une vingtaine de degrés sur l'horizon mais est bien dessinée au zénith, avec ses zones plus sombres qui la séparent en deux, les concentrations d'étoiles comme celle de l'Ecu…
Vu la latitude, le Sagittaire s'observe plus longtemps durant la nuit.
On voit la théière verser jusqu'à la dernière goutte, placée à la verticale.
Surprenant aussi, la grande casserole qui disparaît partiellement sous l'horizon. Héra n'avait donc pas quitté le Septentrion ? Elle se baigne la Grande Ourse, si si ! Vue d'Azilal, elle prendrait une douche sous les cascades d'Ouzoud au Nord Ouest avant de nager dans le lac Bin El Ouidane plus à l'Est.

Pour l'observation aux jumelles, installez-vous confortablement dans un transat et laissez-vous errer dans des bal(l)ades enchanteresses.
Vous pourriez très bien y passer la nuit, du foisonnement de Messier 24 au dessus du Sagittaire jusqu'au groupement d'étoiles autour de Mirfak dans la constellation de Persée, faisant ainsi le tour de la moitié de notre galaxie.

Mais vaux mieux se promener par petites étapes et s'arrêter au gré des merveilles ou curiosités. La nébuleuse sombre NGC 7000 par exemple, elle s'étudie comme une carte de l'Amérique du Nord aux 7x50, avec la côte Atlantique, le Golfe du Mexique…
Ceci n'est possible que sous un ciel bien pur et dégagé, conditions dont j'ai pu profiter depuis la terrasse du toit.
De nouvelles découvertes pour moi (je ne m'y étais pas attardé avant) que ces nébuleuses par absorption, je fais donc particulièrement attention aux « Barnard's » indiqués dans mon atlas.


Sous ce ciel, le pointage « au naturel » des « classiques » est un jeu d'enfant dès qu'on sait à peu près où se trouve l'objet : ils sont quasiment tous visibles au chercheur 6x30.

Même avec un instrument modeste, la pollution lumineuse modérée permet donc de nombreuses découvertes en ciel profond pour l'astronome amateur débutant ou confirmé.

Les amoureux des planètes (et spécialement les webcameurs) seront comblés: en cette période par exemple, Jupiter culmine à plus de 40°. Cette hauteur permet bien souvent des grossissements élevés sans trop de problèmes de turbulence.
Beaucoup de possibilités donc en astronomie, avec tout le confort du « comme chez soi », (même si la maison n'est pas terminée).

En attendant l'achèvement de la structure administrative d'astrAtlas (à l'heure où j'écris ces lignes, le siège social de l'association reçoit ses premières couches de peinture), je n'ai pu partager mes observations depuis le toit qu'avec une poignée de personnes, les membres fondateurs bien sûr et quelques amis ou invités.
(Impatient dans ce domaine, j'ai fait autrement pour les gens du quartier…ce sera raconté dans un autre épisode : « mariage et nouvelle alliance »)



Les premières nuitées avec les nouveaux amis suivent un programme des plus classiques.
Repérage de Polaris, mouvement de rotation de la Terre, alignements des principales constellations, test d'acuité visuelle (et mise au point instrumentale) avec Alcor et Mizar.
Ce préambule terminé, explications sur la vie et mort des étoiles à travers le bestiaire céleste : couleurs, doubles, nébuleuses par réflexion (la lagune M8 et Omega M17), les amas ouverts (beaucoup de succès les canards sauvages M11), les nébuleuses planétaires (M51 et 27).
Ah, enfin, maintenant ce sont eux qui sont étonnés, pas moi !
Notez qu'avec un T300, le contraire m'aurait étonné, mais on ne sait jamais…

Après ce tour d'horizon galactique, on part plus loin avec les globulaires, et toujours plus loin avec la galaxie d'Andromède.
Quand ces « taches floues » sont servies avec des spécifications genre âge et distance, l'étonnement augmente ainsi que les questions…
Et dire qu'à l'échelle de l'Univers, on n'est que sur le pas de la porte devant un horizon que nul peut atteindre (forcément, au plus on avance, au plus ça recule)
Il est temps de revenir sur Terre, avec une halte sur Jupiter afin de freiner cette chute vertigineuse.

Des personnes de formation scientifique (maths, géo, bio…) découvrent de leurs propres yeux un nouveau monde et en ressortent émus.
La Lune si familière, vue la première fois grossie aux jumelles, devient une belle étrangère.
Stupeur et émerveillement.

En voyant cela, je sais de cette graine qu'est encore astrAtlas, qu'elle est plantée en terrain vierge, mais fertile.


Episode 4 : prospection et satisfaction.

C'est fort pratique observer depuis un toit : il y a tout sous la main pour changer d'instrument, faire une pause thé, jouer un peu de musique, tremper son pain dans l'huile d'olive…
Ah, que j'aime ma chambre « hôtel 1001 étoiles » !

Mais Azilal reste une (petite) ville.
Pour le ciel profond de chez profond, genre les galaxies de Cassiopée (IC 10, 185, 147, 278), les nébuleuses planétaires discrètes ou tout simplement encore mieux voir les « vedettes », un déplacement vers la campagne au Sud s'impose.
Le Sud pour des raisons évidentes de passage au méridien et parce qu'Azilal est la dernière ville avant une zone de pollution lumineuse quasi nulle.

Une étude préalable, via google earth, maps et autres, a indiqué un endroit favorable : Aït M'Hammed.
Force m'est de ma féliciter : étude bien menée !
Proche d'Azilal et du circuit touristique Ben El Ouidane – Ouzoud, facilement accessible en « grand taxi » voire en stop (faut même pas en faire, des automobilistes ou camionneurs s'arrêtent naturellement), le village a de quoi séduire l'amateur d'authenticité.
Le souk du samedi se poursuit tard la nuit, à la lueur de lampes à gaz ou pétrole.
L'odeur des brochettes ouvre l'appétit et un bon repas, sur les terrasses de l'enceinte, a de quoi retarder l'installation des télescopes sur un parking au bord de la route Est vers la vallée d'Aït Bougemez.

Aït M'Hammed aussi l'avantage d'être pratiquement sur un col à 1800m d'altitude.
La vue est donc bien dégagée. Continuer vers le Sud via la route Est n'apporte pas grand-chose : la montée est assez faible et ne justifie pas les kilomètres supplémentaires, hormis pour un terrain pouvant accueillir de nombreuses personnes.
Cet endroit (que je surnomme le plateau du scorpion) est donc gardé en mémoire pour des manifestations genre « nuit des étoiles », destinées pour un plus vaste public.

La route Ouest est moins intéressante du point de vue site d'observation astronomique.
Elle est à flanc de colline et serpente entre vallées verdoyantes et sommets arides.
Et elle semble longue quand on espère trouver le bon endroit derrière le énième virage : non, pas encore ici, peut-être derrière la colline suivante ?

Aït M'Hammed semble donc tout indiqué pour observer le ciel nocturne, inutile de chercher plus loin (ça me fait penser à l'expression « c'est toujours au dernier endroit qu'on cherche que se trouve l'objet ». En effet, faudrait vraiment être distrait pour continuer de chercher une fois l'objet trouvé !)
La prospection du versant Nord du Mgoun m'a aussi fait découvrir des gens au mode de vie qui donnerait à réfléchir à bon nombre de jamais-contents habitués à vivre dans un monde où la nature est mise à leur convenance.
Ici, la lumière tombe du ciel, l'eau fraîche sillonne le long de l'oued, l'air conditionné se trouve à l'ombre du chêne vert, avec le battement d'ailes des nombreuses phalènes comme ventilateur !






La sélection des endroits d'observation « extra-muros » étant faite de jour et à la tombée de la nuit avec des jumelles, une séance d'observation nocturne aux instruments devait confirmer les choix, en particulier celui tout proche de Aït M'Hammed.

Et pourquoi pas une soirée « première » pour les nouveaux amis ?
Décision prise en vitesse (même pas eu le temps de démonter le T300), on se retrouve au parking pour cette soirée découverte.
Elle était assez brève question astronomie ciel profond à cause d'un (superbe) lever de Lune.
Et force m'est d'avouer qu'elle était également brève grâce aux excellents mets apportés par les nouveaux amis : olives, fromages, poulet roti…moi qui pensait à une soirée d'initiation à l'astronomie avec explications des mouvements diurne et annuel de la Terre, repérage des constellations, exercices de calculs d'éphémérides, exposé sur les effets du passage des lois Newtoniennes dans l'espace Euclidien vers l'Univers relativiste selon le modèle fermé de Friedmann-Lemaître…

Non, c'était une véritable « star-party » avec observation des vedettes au T200 et au bigs binos, admiration du lever de Lune, puis la convivialité autour d'une table avec de franches rigolades.
Et pas besoin de champagne ou autre pour cela, la bonne humeur se trouve à l'état pur, non frelaté.
Le ciel là-bas ? Croyez-moi, même si je n'ai pas eu le temps de débusquer les faibles nébuleuses (les copains d'abord), le premier coup d'œil aux classiques me donnait l'impression de redécouvrir le ciel.



Sur le photomontage ci-haut, j'ai (maladroitement) tenté de faire croire que j'étais le seul à m'occuper d'astronomiques choses tandis que les autres ne pensaient qu'à leur ventre.
Votre regard perspicace ne tardera pas à tirer cela au clair.

Ci-bas, une illustration de la nature humaine : dites à un homme qu'il y a environ cent milliards d'étoiles dans la galaxie, il vous croira. Dites que la banquette arrière de la voiture est rabattable en trois parties, il vérifiera !




Episode5 : webcam et rétine

Trois conditions sont primordiales pour du ciel profond.
Un ciel dégagé bien sûr, l'absence de pollution lumineuse – ce qui est le cas à Aït M'Hammed comme expliqué précédemment – et une Lune discrète.

Alors quand elle est là Madame Séléné, faut l'accepter, l'admirer et pourquoi pas photographier ?
Une nouveauté pour moi que de laisser une webcam regarder à ma place !
Même si je trouve la vue en direct plus belle, plus émouvante, les possibilités en astrophoto sont devenues si intéressantes que cela vaut absolument la peine de s'y atteler.
Et après tout, un centre d'astronomie se doit le plus polyvalent possible : aspects théoriques et mise en pratique, instruments sur équatoriale comme des dobsons, du ciel profond comme du planétaire, du visuel et de la photo…pas besoin de choisir, on peut tout faire!

Nul besoin d'aller sur le terrain pour l'astrophoto planétaire, au contraire, c'est bien plus facile de faire une séance webcam chez soi, sans devoir trimballer instruments, ordinateur, batterie etc…



Voici venu le temps pour moi de mettre mon « bagage théorique », acquis en lisant les topics photo et traitement de webastro, sur le banc d'essai.
Les logiciels sont téléchargés (QCFocus, Registax, iMerge), les webcams fonctionnels, la préparation psychologique menée à fond.
Oui oui ! Ce n'est pas un simple « clic » l'astrophoto, un grand nombre d'images sont optimisées, superposées, traitées.
Faut travailler (c'est bien le mot) avec méthode, s'attendre à pas mal de déconvenues, ne pas s'énerver quand l'ordi ne comprend pas ce qu'on voudrait qu'il fasse, quand la cible part sans permission, quand on se prend les pieds dans les câbles, quand on se cogne sur la monture soigneusement mise-en-stationnée, quand un nuage vient perturber l'acquisition, quand le disque dur arrive à saturation…

C'est une discipline l'astrophoto ! Loin de la désinvolonture dobsonnienne, loin de l'astronomie contemplative sans soucis…très loin.
C'est justement là que se trouve le défi, le plaisir de le relever et la satisfaction d'avoir obtenu SA première Lune, SA première Jupiter.

Le plaisir de continuer et faire mieux, bien mieux avec SES premières vues détaillées, SES premières bandes de la géante gazeuse, d'enfin comprendre quelques trucs et d'améliorer ou bricoler un adaptateur qui s'adapte, de trouver une méthode d'acquisition qui acquière, de traitement qui traite, de compositage qui compose...
Le plaisir et la fierté (oui, j'avoue que je le suis) de montrer SES résultats.
En effet, des photos, on en trouve à la pelle sur le web, des bien plus détaillées, jolies, flatteuses, mais ce sont les VOTRES qui vous plaisent le plus !

Alors voici un patchwork de ce qui est sorti de la boîte :



Ah, cette Jupiter, que de « souffrance » pour ce vague résultat.
Il ne faut pas oublier qu'elle tourne vite, très vite la boule à la tache rouge.
Une rotation de l'ordre de 10 heures terrestres, ça file et défile à toute allure sur le capteur.
Impossible de prendre son temps et chipoter pour l'acquisition en variant le gain par ci, le contraste par là, passer du N&B vers la couleur etc…la rotation devient visible au bout de 2 minutes et il n'est plus possible de superposer les images ainsi obtenues.

Il en faut de la patience (et persévérance) avant d'obtenir quelque chose de montrable, de potable.
Je ne sais plus quelle nuit de Lune présente, les conditions pour l'astrophoto étaient très bonnes : un ciel légèrement voilé mais d'une stabilité exceptionnelle.
Jupiter était ciselée en fine orfèvrerie, l'image était d'une rare beauté…des conditions où le taux de perte en astrophoto devrait être très faible.
Mais je suis resté scotché au dob T300, du 100% visuel qu'il me fallait, de l'astrophoto fixé sur les synapses de ma mémoire.
A première vue, les 4 galiléennes sont alignées à l'Est de la planète.
Mais la troisième semble de nature différente : plus bleutée que les autres.
En outre elle reste petite lors d'un passage au grossissement supérieur, tandis que les lunes gagnent en taille apparente.
C'est une étoile ! Mais alors il y en a une des 4 qui est en occultation ou en passage ?
Le programme Coelix m'apprend qu'il s'agit d'un passage de Io, hop observation à 300x avec l'oculaire Vixen LV5 ou 150x avec la tête bino
.
L'ombre de la lune galiléenne se détache nettement, petit disque noir situé entre les bandes équatoriales et se déplaçant « lentement » vers l'Ouest.
Tout est relatif, que sont deux heures ? Une éternité dans un bouchon en plein soleil, toute une histoire ou alors le néant dans un cycle de sommeil…c'est aussi le temps qu'il faut à Io pour effectuer son passage.
Hormis quelques brèves pauses, un spectacle à ne pas rater.
Les subtiles nuances des bandes apparaissent alors avec plus d'évidence que lors d'un regard furtif.
Deux heures d'affilée peuvent sembler beaucoup mais ça passe vite.
D'autant plus que les aiguilles de la montre cosmique semblent accélérer leur mouvement au fur et à mesure que l'ombre s'approche du bord : c'est parce que quelque chose va se passer, qu'une singularité est sur le point de se produire.
Le disque noir s'étire et s'ovalise en descendant le gradient d'ombre perçu légèrement sur le bord.
En même temps, la grande tache rouge grimpe de l'autre côté.
A cet instant les choses se précipitent : la tache d'ombre disparaît progressivement dans le noir sidéral, laissant encore sur le disque illuminé une partie en forme de V, qui devient de plus en plus petite, puis, soudainement : rien, partie, évaporée…
L'absence de lumière a retrouvé sa vraie nature, le néant.

De retour à l'oculaire après une petite pause, la tache rouge progresse, mais mon attention est captée par celle qui vient, avec la complicité du Soleil, d'offrir ce spectacle : Io en personne.
Que je ne l'ai pas vue avant, est-ce parce que j'étais trop absorbé par l'image de son ombre ?
Ou alors qu'approchant à son tour la partie légèrement plus foncée du globe Jovien, elle se détache mieux par contraste ?
En tout cas, c'était magnifique et en parfaite complémentarité avec le spectacle précédant.
L'ombre disparaissait dans l'ombre, laissant un sentiment de vide.
Un vide comblé par l'apparition de cette lune, triomphe de la lumière.
Elle prenait de plus en plus d'éclat et donnait l'impression de décoller de la surface de Jupiter, tel une soucoupe volante qui rejoint son escadrille en surveillance autour de l'équateur.
Que c'était beau !
Déjà que j'étais amoureux du ciel profond et pas insensible aux charmes du planétaire, me voilà définitivement épris d'astronomie, même l'astrophoto.


Episode 6 : patience dans la verdure.

Que faut-il encore pour du ciel profond ?
Il y avait trois conditions ?

Ah oui : pas de pollution lumineuse, d'accord.
Pas de Lune : on sait que pendant deux semaines, c'est plutôt du planétaire qu'on met au programme, l'astrophoto faisant varier les plaisirs.
Pas de nuages : une évidence même.

Pour Murphy aussi.
Il connaît très bien les trucs et astuces pour appliquer la loi de la vexation universelle à l'encontre de l'astram qui, s'il n'y prend garde, ne peut que pleurer son impuissance.
Son procédé est simple et archi-connu des ciel-profondistes: quand la Lune est là, les nuages sont ailleurs et le contraire.
Pour combler le tout, Murphy peut très bien ne pas se soucier de la présence lunaire et envoyer d'office un trop long cortège de nuages, mais c'est plutôt rare dans le Sud.
(en Belgique, trois mois de nuages d'affilée n'ont rien d'exceptionnel)

Je n'ai pas assez de recul question météo, mais une « constante » semble se profiler.
Lune ou pas (évidemment, elle n'y peut rien la pauvre) le ciel est limpide en matinée.
L'après-midi, quelques nuages préparent la voute céleste pour une sacré soirée avec plein d'invités.
Ils font la fiesta, laissant le webcameur traiter ses images, puis s'en vont tranquillement au milieu de la nuit.

La patience est donc requise et l'astram polyvalent s'en sort avec bonheur, adaptant son programme en fonction des circonstances : tantôt du ciel profond si la transparence et la noirceur du ciel le permet, ou alors du planétaire et la chasse aux étoiles doubles quand la turbulence est faible…

Le bonheur revient aussi aux esthètes et aux amoureux de la nature.

La pleine Lune, ou pire, les lampadaires, vous donnent de l'urticaire ?
Personnellement, ça va, je me soigne avec les couleurs de la nuit.
L'œil a besoin de lumière pour distinguer les teintes (la nuit, tous les chats sont gris), or par pleine Lune ou en ville, une féerie existe tout autour de soi
Les murs et les façades, qui lors du coucher de Soleil revêtent leur éclatantes couleurs de parade, distillent au clair de la Lune des nuances jaune, ocre et orange sur toile de fond bleu-nuit.
Une ampoule à incandescence transforme un toit en havre de paix, où la lumière chaude invite au repos, où la conversation se fait voix basse comme si le moindre haussement de ton ferait fuir cette douce atmosphère.



Uranie met en valeur les étoiles les plus brillantes et demande à celui qui veut bien, d'oublier pour l'instant l'astronomie comme science et de ne raconter que les histoires imaginées il y a des siècles.
Couché sur d'épaisses couvertures, la douceur des nuits d'été comme seul drap, c'est le moment de se remémorer les légendes célestes.
Cassiopée, Céphée, Persée, Andromède, Pégase, la Baleine…

Oui mais, tout cela est bien beau vous allez dire, mais les nuages ? Hein ? Les nuages ?
Eh bien ce sont mes copains les nuages ! Comme la lune qu'elle est ma copine la lune !

Et surtout quand la copine joue à cache-cache avec les copains.
(je les regarde avec les grosses jumelles, comme c'est beau des nuages éclairés par-dessus !)
Oui mais faut pas aller si loin pour cela, allez-vous me rétorquer.
Certes chers lecteurs, vous avez raison, mais en partie seulement.

Soif ? Voilà l'eau de source.
Une bonne baignade ? Tu as le choix : l'oued ou le lac ?
Faim après le bain ? Au menu à cueillir : figues, grenades, figues de Barbarie, raisins, olives…
Une sieste ? A l'ombre d'un olivier, d'un chêne vert, d'un acacia, d'un palmier, d'un pin ?

Vous avez compris : un nuage, c'est un condensé d'eau.
Et la vie sans eau, elle serait bien triste.
Alors si les nuages sont le prix à payer, perso je trouve que c'est bon marché !



Patience dans la verdure donc.

Et la patience finit toujours par rembourser !
D'ailleurs, la preuve : le ciel est totalement dégagé là.
Bon, réfléchissons : il y aura quoi au programme ?
Allez, je commence avec du ciel profond, puis pause cuisine à l'huile d'olive.
ensuite un peu de webcam planétaire ?*

A plus tard !

Patte.

PS*: du oneshot finalement, pas mal pour un dob je trouve:



(c'est plus beau en vrai...)

Episode7 : l'étoile en papier doré.

Combien de temps faut-il entre une idée et sa réalisation ?
Un certain temps.

Et entre une association sur papier et les premières activités sur le terrain ?
Un certain temps aussi.

L'idée de départ est restée la même, mais l'équipe de base et les statuts ont été adaptés pour une meilleure efficacité au Maroc, avec une solide permanence sur place.
L'assemblée constitutive bouclée à l'unanimité, il fallait encore s'affranchir des formalités pour le dépôt et l'officialisation.



Un temps qui semblerait long à celui qui n'a pas la patience dans la verdure.
Mais moi, vous commencer à me connaître n'est-ce pas ?
Eh ben non : que ça me faisait tourner en rond comme un ours en cage!

Avec du recul, je dois avouer que les choses se sont déroulées assez rapidement, surtout en cette période des grandes vacances.
C'est le temps des enfants et la famille, des amis et retrouvailles.
Puis il y a les choses qu'il vaut mieux boucler avant la rentrée, il y a la canicule qui impose la sieste de l'après-midi…bref, ici comme ailleurs durant les congés d'été, tout semble fonctionner vitesse escargot.

Après des « demain », « lundi, c'est certain », « demain ou après-demain, sûr » voici enfin le « ça y est, c'est fait ! » de l'officialisation des statuts.
Yes ! Enfin la possibilité d'organiser les activités publiques !
Et ça tombait bien pour le lendemain, avec les Perséides et un beau ballet autour de Jupiter (qui étaient de toute façon inscrits dans l'agenda des observations à ne pas manquer).

Une bonne nouvelle matinale qui compensait largement la re-re-re-remise aux calendes grecques de la visite des cascades d'Ouzoud avec Mohamed (que je n'ai toujours pas vues…)
Tout autre chose m'est tombé dessus en début d'après-midi, avec un coup de fil de ci-lui : « Patte, je suis à Aït M'Hamed avec Abdellatif demander une autorisation pour la nuit de demain… »
Mon sang ne fait qu'un quart de tour : « Hein quoi comment caisse ? Vous êtes à Aït M'Hamed ? Sans moi ? »
Ils savent pourtant à quel point j'adore ce village et ses environs.
Me faire ça, à moi ?
Moi qui reste quasiment 24H/24 à travailler ferme avec mon (beau) bureau (fruit de mon travail CQFD) comme tout horizon ?
Me dire directement, sans détours ou ménagements, qu'ils y sont et sans moi ?

Bisque bisque rage !
Pire et grââââve encore: demander une autorisation ? Pour regarder les étoiles ?
La communication est coupée sur une des plus grandes interrogations de mon existence.
Je crois rêver…

Dans l'affirmative, autant plier bagage !
Quitter un surréalisme à la belge pour errer dans du pire que Kafkaïen ?
Non merci.


Je descends au café me descendre un thé le temps de laisser décanter.
Il est bon, ça me calme…
Re-coup de fil, Abdellatif cette fois : « Allo Patrick ? Qu'est-ce qu'on va regarder demain soir ? »
« Ben on va observer le ciel » réponds-je benoitement, « pourquoi ? »
« Il y a le fonctionnaire qui voudrait savoir ce qu'on va observer exactement… »
Cette rétorque d'Abdellatif a eu plusieurs effets, entre autres :
- avaler du thé bouillant de travers
- faire passer une feuille de menthe par une narine
- enfoncer une partie du téléphone dans l'oreille
- parler Martien : « zglub%xsk¤#ghnjiiii ?!!!???! »

Grâce à l'entrainement intellectuel de scientifique pur et dur, je me remets vite et pose la question qui me permet de vérifier l'hypothèse que je n'étais pas sujet à une hallucination auditive : « quoi ? »
Sur la réitération d'Abdellatif, ma réponse fut docte :
« dis-lui que nous allons vérifier statistiquement la fréquence et l'intensité des trainées de gaz ionisés produites par l'accélération gravitationnelle et la traversée à 107000km/h de la Terre du nuage de poussières laissé par la comète Swift-Tuttle, que nous allons observer des phénomènes liés aux orbites des satellites galiléens et étudier passages, passages d'ombre, occultations et éclipses ainsi qu'estimer la vitesse de rotation de la géante gazeuse grâce à la GTR.
Tu peux aussi préciser que nous allons profiter de la bonne magnitude limite atteignable avant le lever de notre satellite naturel en phase gibbeuse, pour passer les différents types de nébuleuses en revue : obscures ou par absorption, par réflexion, émission, les planétaires, les restes de SN et finalement faire un voyage extragalactique en passant par les amas globulaires… »
Au tour d'Abdellatif de dire « quoi ? ».
Je lui résume « nous allons regarder les petits points brillants là-haut » et raccroche.

La feuille de menthe est la preuve que je ne cauchemarde pas, mais l'absurdité de la situation efface la colère pour une franche rigolade.
Question dose d'étonnement quotidien, j'ai été drôlement servi là !
Une heure plus tard, retour de Mohamed et Abdellatif au café d'Azilal et l'explication consternant cette fumeuse autorisation m'a fait pousser un ouf de soulagement.
Non, il ne faut pas une autorisation pour regarder le ciel, non, astrAtlas ne doit pas signaler ses soirées d'observation.
Cette démarche était en quelque sorte la « déclaration de naissance » de notre association aux autorités communales.
Que la toute première activité sous sa bannière tombe justement le lendemain même de l'officialisation des statuts avait de quoi intriguer: je vous rappelle qu'on était dans une période où les choses prennent leur temps, toute précipitation paraît donc suspecte !

L'accord du Gouverneur, le matin de notre soirée, pourrait être considéré comme l'aboutissement de plusieurs mois de travail : astrAtlas n'est plus une idée sur papier, c'est une réalité !
L'astronomie amateur, là-haut dans l'Atlas, c'est sous la clarté des étoiles que ça se passe.

Une dizaine de personnes était présente lors de cette première.
Au programme ce qu'Abdellatif était sensé répéter après son « quoi ? ».
Le ciel parfaitement dégagé et une nouvelle « recrue » aux molettes de l'équatoriale 150/750 ont permis d'en faire le tour.



Faut que j'en parle de cette recrue ! Youssef qu'il s'appelle le moustachu-qui-compte-plus-d'étoiles-dans-le-carré-de-Pégase-que-moi.
Une semaine grand max auparavant que Youssef a eu l'idée de me parler d'astronomie, de Proxima du Centaure, d'années-lumière…
Si on considère l'astronomie comme maladie, il n'est pas seulement gravement et incurablement atteint : il est virulemment contagieux ! Nous nous sommes naturellement mis le grappin dessus et après une formation rapide (spontanée je dirais), c'est l'ami qui anime jovialement la partie jovienne de la soirée.

Une belle première qui s'est prolongée jusqu'au matin en duo sous la Lune.
Scotché au T300 tête bino qu'il était !
Demander de ne pas bouger pour une photo souvenir pause 60 secondes n'était pas nécessaire.
De toute façon, absorbé comme il était, il ne m'aurait même pas entendu.

C'est donc le cœur tranquille que je peux remonter vers mon surréalisme nordique : ici, la relève astro est assurée !




05/04/2010
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