37-Comment voyager avec un T300
Ce n'est pas vraiment un croa, mais un récit de voyage.
Dans les Alpes Haute Provence, le Vaucluse, le Var...
En train, bus, stop ou à pied, on en a rencontré du monde le 300 et moi!
Surtout des enfants.
Forcément, ces "vacances" été 2008 débutaient et se clôturaient en stage astro avec des ados.
Peu de nouvelles découvertes en ciel profond en ce qui me concerne (quoique, revoir ses classiques avec un diamètre supérieur et avec une tête bino, ce n'est pas rien) mais l'immense plaisir d'avoir pu faire découvrir des merveilles célestes à des prunelles des plus jeunes aux plus âgées.
Une narration en épisodes, car deux mois de vadrouille, c'est long.
Puis, je n'ai pas eu le courage de mettre tout sur papier après le retour: éh oui, le spleen "back in Brussels", horrible!
C'est sous la grisaille que je me remémore ces instants qui me font encore chaud au coeur!
Episode 1: Le pigeon voyageur
Vendredi 4 juillet.
C'est de très bonne humeur qu'à mon aise, je me lève en pensant voyage, cieux purs, vacances et tutti quanti.
Demain, à la même heure, je serai déjà à Paris.
Gulliver m'aura transbahuté de la Gare du Nord vers Paris-Gare de Lyon, je serai là, avec une ribambelle direction la Motte-du-Caire pour ma première colo, une colo astro...aah oui voui vwouiiiiiiii!
Mon bigofofono portâââble de récup s'est chargé cavalerie durant la nui-euh et je l'alalèrelune, bon, je l'allume (quand je suis de bonne humeur, je déconne, c'est comme ça...nan, j'déconne toujours!)
Toujours est-il que les messages défilent.
Bien, c'est rapport avec le RV à la gare si je ne m'égare.
Tom tom tsoin tsoin, lisons luisons...
Pas le temps, ça sonne, strident, TIRLILI TIRLILU TIRLILI TIRL...je décroche: Sade au téléphone (c'est lui le responsable des séjours): Ouiiii? Sâââââde?
Sade (voix sérieuse):
- Patte, tu n'es pas dans le train?
Moi (voix étonnée):
- Euh si, oui non, je suis en train de préparer mes affaires.
Lui (voix inquisitorienne):
- Patte? Tu te fiches de moi? Où es-tu là?
Moi (voix innocente):
- Ben chez moi, je me prépare là, mentablement, à régler menu tracas administratifs avant mon départ?!
Lui (voix persuasive):
-M'enfin Patrick, C'était AUJOURD'HUI le départ! On est le 4!!!!!
Tu sautes dans le premier train vers Marseille, débrouille-toi!
Il raccroche...
Je reste multiplexe. Le 4 ?
Oui, on est le 4...vendredi 4, je ne rêve pas: un rapide contrôle en arrachant des poils de ma barbichette corrobore ce fait.
Faut se mettre à l'évidence: ce n'est pas samedi le départ, c'était il y a 3 heures.
Avant de céder à la panique, je me chauffe une clope et me roule une tasse de café en analysant la situation: elle n'est pas bonne, faut réagir, et vite!
26 secondes pour me déperplexer.
26 minutes pour plier bagages.
Avec du blabla chez la voisine pour clés et chats, mobiliser Fritzmayo pour le transport vers la gare du Midi, trouver et rassembler la paperasserie...
Tout cela et bien d'autres choses encore en un temps record et hop, en route!
Par l'escalier pour commencer: pas d'ascenseur, à la lueur de ma frontale, 6 étages avec le bordel rejoindre Fritzmayo qui a spécialement annulé un RV.
(Fritz, si tu lis ces lignes, encore un grand merci)
Puis la gare! Bondée, tout un ramdam pour décrocher un billet "départ immédiat".
Il restait une place, oui, une, pour le trajet Bruxelles-Paris Nord qui donnait une correspondance vers Aix ou Marseille.
Fallait encore rejoindre Paris-Lyon pour cette correspondance.
Pas pu prévenir Gulliver de ma bourde!
(Parmi les trucs administratifs à faire, il y avait une facture de portable, ligne bloquée sauf appels entrants...Gulliver, si tu lis ces lignes, sache que je te remercie! Toutes mes excuses!)
Une demi-heure, pas plus.
C'est du stress pour quelqu'un qui ne connaît pas le RER.
C'est du stress pour celui qui est chargé comme un mulet.
Je suis chargé comme un mulet et je ne connais pas le RER.
Comme un pigeon voyageur, j'ai fait quelques tours pour m'orienter et maudissant le fait que je n'aie pas de goto, j'ai du faire confiance à mon instinct de dobsonnien.
Je ne me rappelle plus le cheminement exact mais j'y suis arrivé.
Murphy a probablement eu vent de la situation et en a profité pour me filer une sacrée dose de vexation universelle.
Comment expliquer?
ILS (les gens du train) m'avaient dit de monter dans le premier wagon derrière la motrice.
Bien, je m'engage sur le quai, trainant derrière moi le diable/chaise avec le 300, botte de tubes, tente, sac-de-couchage, matelas etc, croulant malgré mon corps d'Apollon sous la charge du sac-à-de-tout.
Comment expliquer que sur le quai, de part zé d'autre d'une aubette, stationnent des voiturettes de service?
Pourquoi la? Où il n'y a presque plus de place pour tirer ses bagages?
Murphy seul sait!
Toujours est-il que content de voir une motrice, j'embarque avec tout le matos dans le premier wagon que je vois derrière la-dite, soucieux de rester conforme aux consignes qu'ILS m'avaient données.
Mécontent de ne point trouver ma place chèrement réservée, je m'enquiers auprès de ceux qui savent.
"ILS" me disent que mon siège est dans la partie avant de la rame, derrière la première motrice, ici on est derrière la deuxième.
Je me déstupéfie assez vite regardant le quai maintenant débarrassé de ses embouteillages à valises: "ah ben oui, il est double ce train, 'tin!!! Faut piquer un sprint vers l'avant!" Avec tout le matos? Qu'on s'appelle Apollon ou Ben Johnson, mission impossible!
Je laisse donc le dob et plein d'autres choses sur place, m'élance tel le fauve féroce et affamé, brûlant ses dernières forces en poursuivant avec l'espoir du désespoir le gracieux rhinocéros et saute de justesse dans la partie avant de la rame.
Le train se met en branle.
Bonne et mauvaise nouvelle.
La bonne: il ne se scindera pas en cours de route, ni en longueur, ni en deux, le tout va jusqu'à Marseille 'tin cong.
La mauvaise: "ILS" ont dit qu'il fallait faire prestissimo pour débarquer à Aix ('tin cong).
Ce sera chose faite avec l'aide d'un sympathique jeune-homme: arrivé à Aix, il sortira et gardera mon sac-à-dos tandis que je fais un sprint de 200 mètres record pour récupérer mon dob dans l'autre partie de la rame.
Rassuré, je m'installe à ma place et me visse du Wagner volume maximum sur les oreilles histoire de me décontracter.
Malgré la Walkyrie, j'entends un avis aux voyageurs: "..bla bla...suite à...travaux...retââârd...veuillez-nous-zen-zexcuser...45 minutes...bla"
"Bon ben, en principe j'arrive à Aix vers 19 heures. Il y aura encore des correspondances, pas de panique", songe-je intimement tout haut en dedans mon for intérieur.
Mais Murphy était du voyage lui aussi.
Un peu avant l'heure annoncée, je demande encore au jeune-homme de bien vouloir sortir mon sac-à-dos et me dirige vers l'arrière du train afin de rejoindre l'autre partie au plus vite.
Arrêt, sprint, zou dans le wagon où se trouve le dob:"Aah mon p'tit beauzénorme Oscââââr chouchou! Viens que je te sorte Amore Mio! Oôh prunelle de mes yeux, regarde le ciel comme il est bleuuu!"
Ayant débarqué le dob, je scrute l'avant de la rame.
Rien de rien: le Soleil en pleine poire, je ne vois pas le copain avec mon sac-à-dos.
Vingtcieux! Il y a plusieurs sorties, il est peut-être déjà en bas?
J'y désemboule-plein-la-gorge, rien de rien, niente, que dalle.
C'est pas vrai? Il n'est pas là le mec?
Bye sac-à-dos!
Tout s'effondre, pas possible de faire les colo: des papiers indispensables (certificat de vaccination entre autres) se trouvent dans le sac, pas possible de monter le dob vu que plusieurs pièces y sont logées. Bye les observations: valisette oculaires, tête bino, atlas, tout tout tout!
Bye voyage, bye vacances...
Que faire? J'avise ceux qui ont été placés à l'avance dans la gare mais "ILS" sont débordés à cause des retards.
Ah, il me faut une carte prépayée afin de pouvoir téléphoner.
Le libraire ne veut rien entendre de mon argumentation concernant la carte soi-disant prépayée et j'ai du débourser une certaine somme.
Fallait à ce moment un instant de receuil, de résignation, dehors avec une clope.
Non Patte, tu ne rêves pas! Tu es bel et bien le plus gros pigeon que le système solaire ait porté, sans parler des environs.
Que faire? Pleurer? Non! Il y a d'autres situations autrement plus délicates.
Comme celle de Giordano Bruno par exemple, à qui on proposait du feu tandis qu'il n'avait pas de cigarettes.
Ou alors naître au Darfour. Ou bien devoir trouver une formule élégante pour saluer l'assemblée quand, subissant le supplice du pal, on s'est fait grâcier à la dernière minute (merci Geluck).
Résumons: la situation aurait pu être pire.
Je viens seulement de perdre plein de rêves, de projets et de choses matérielles.
La vie continue. Tiens? Elle est intéressante l'architecture de la gare? J'ai déjà vu ça quelque part me semble-t-il, Avignon? Je ne sais plus.
Après ma deuxième clope, retour vers une préposée qui maintenant avait un peu plus de temps pour m'écouter.
Je donne un exposé sur la bêtise humaine en me citant comme exemple et demande benoîtement s'il n'est point possible de réquisitionner la force navale casernée à Toulon pour un débarquement à Marseille afin d'intercepter un type qui négocie une tête bino Burgess contre une bouillabaisse; (ou, le cas échéant, l'heure du premier train vers Bruxelles).
L'oreille attentive à toute l'histoire, la gente dame coiffée d'un képi qui me rappelle certaines soirées borgiaques, me sort: "Mais, monsieur, vous n'êtes pas à Aix ici, vous êtes à Avignon!".
"Diantre!", m'exclame-je, "Avignon? Avec le pont qu'on y danse tout en rond?"
- "Oui! Avignon! (petit patapon). Vous avez encore 3 minutes pour le dernier train ce soir vers Aix!"
Il me semblait bien que cette gare me disait quelque chose: ou alors que c'est le même architecte, ou alors un collègue copieur!
Pas de temps à perdre, un sprint vers le quai (c'est bien le 3 hein?) et l'espoir renaît en même temps que l'angoisse des 25 minutes de trajet.
Allais-je retrouver mon sac-à-dos?
Aix, un gars de la sécurité: "Rouge, gris et noir?"
Moi: "oui?"
Lui: "On va vous le chercher!"
Je tombe à genoux, lui embrasse les pompes, défais et refais vingt fois ses lacets, ajuste amoureusement les plis de son pantalon...
Ah, ces 30 kg sur mon dos, que ça fait du bien!
(jeune homme, si tu lis ces lignes, sois certain que je te remercie du fin fond de l'Univers!)
Une clope de satisfaction s'impose. Peu importe qu'il n'y ait plus de correspondance. Pf, après tout cela, je passerais bien la nuit ici, sur le parking entre deux voitures, avec le précieux sac comme coussin...ou alors partir en stop?
Pas d'importance finalement, je verrai bien.
Et mon oeil a vu: Léa, elle s'appelle Léa, elle est belle, elle est là.
...
PAAAAATRIIICK!!!!!!
...
Voui?
Tudjeu oui, trêve de rêve! assez perdu de temps tudjeu!
Bon, elle est charmante, elle fait partie d'un groupe de voyageurs pour qui la SNCF a spécialement affrété un autocar vers Manosque, vers Digne.
Parfait!
Avec un peu de complicité, me voilà dans le bus, m'approchant de ma destination.
Que du bonheur de voir les rochers des Mées, si outrageusement éclairés!
Puis fallait encore passer une nuit à la belle étoile, allongé au bord de la potable Bléone, en attendant une correspondance vers Sisteron.
A suivre...